Épisode 9 : Un long voyage vers l’aventure

Épisode 9 : Un long voyage vers l’aventure

Alors que Dred faisait le tour des différents marchands avec ses amis, Ily se joignit à eux.

Pendant leurs achats, Ily insista lourdement sur la source de ses renseignements et la qualité de ces derniers.

À force, Dred se tourna vers Ily et lui dit, espérant la décourager : « Si tu penses que c’est si dangereux, joins-toi à nous. »

Ily gloussa et répondit : « D’accord. »

Gêné et surpris, Dred tenta de lui expliquer qu’il pensait qu’elle abandonnerait après cette proposition. Mais Ily lui rétorqua : « Tu sais, Dred, tu as une petite sœur qui compte sur toi. Je ne peux pas te laisser prendre de tels risques. »

Touché par ses mots, Dred accepta de la laisser se joindre au groupe, probablement poussé par Heleyia, ravie d’avoir une amie. Il ajouta : « Après tout, plus on est de fous, plus on rit. »

Ils terminèrent leurs achats ensemble et prirent la route, suivant les indications griffonnées sur un morceau de papier quelques heures plus tôt.

Au fil des heures passées avec le groupe, Ily commençait à voir leurs personnalités se dévoiler. Dred, parfois optimiste et presque insouciant. Heleyia, toujours dans son monde, débordante d’enthousiasme. La seule énigme restait Lion, toujours discret et taciturne.

Après plusieurs heures de marche, alors que la nuit commençait à tomber, Dred proposa une halte pour manger et se reposer.

Le décor autour d’eux était magnifique. Seule la lueur de la lune perçait la cime des arbres. Un peu plus loin, une cascade offrait un spectacle saisissant. En levant la tête, on pouvait admirer un ciel étoilé, et en baissant les yeux, l’eau de la cascade reflétait la beauté des astres.

C’est là qu’ils décidèrent de monter leur campement. Après avoir installé un périmètre de sécurité et monté les tentes, Dred, Heleyia, Lion et Ily s’assirent autour du feu qu’ils avaient préparé ensemble.

Chacun sortit sa nourriture pour la faire cuire. Dred proposa alors de se raconter des histoires.

Tout le monde était gêné, personne ne savait par où commencer. Toujours prêt à animer la soirée, Dred demanda à Ily de débuter, puisqu’elle était la nouvelle du groupe.

Ily, embarrassée, répondit : « D’accord, mais seulement si Lion en raconte une après moi. »

Dred et Lion échangèrent un regard, puis firent un signe d’approbation.

Lion, pensant échapper à cette promesse, acquiesça : « Ça me va. »

Ily prit une profonde inspiration et commença : « Il y a bien longtemps, un bébé était dési… » Elle s’interrompit, laissant place à des regards perplexes, avant de reprendre : « Finalement, je ne veux pas raconter d’histoire. Je suis désolée, mais je ne me sens pas à l’aise. »

Dred la rassura : « Ce n’est pas grave. Je vais en raconter une alors. »

Il reprit son souffle et entama son récit : « Quand j’étais petit, j’adorais qu’on me raconte des histoires. Un soir, ma maman m’a parlé d’une prophétie. Elle disait qu’un jour, Haedillya serait sauvée ou détruite par les enfants de la prophétie. Ces trois enfants auraient un pouvoir si grand que même les divinités trembleraient devant leur puissance. »

Dred, heureux d’avoir partagé un souvenir d’enfance, souriait jusqu’aux oreilles. Tout le monde le regardait, médusé. Après quelques secondes, Heleyia leva sa chope et dit : « Trinquons à la santé des enfants de la prophétie, en espérant qu’ils sauvent Haedillya. »

Tous prirent leurs chopes et trinquèrent.

Dred se tourna alors vers Lion : « C’est ton tour, mon vieux. »

Lion répondit : « J’étais censé passer après Ily, non ? Peut-être que je devrais attendre qu’elle raconte son histoire. »

Dred répliqua qu’Ily avait passé son tour, mais qu’on lui ferait une fleur puisqu’elle venait d’intégrer le groupe. Pour Lion, il était temps.

Lion soupira, gêné, et se lança : « Très bien. Il était une fois… non, je veux dire, il y a longtemps… Ah, bref. Quand j’avais 10 ans, je vivais dans une grande maison avec mes parents, dans le Haut Empire. Mon père était l’un des trois plus hauts commandants de l’empire. »

Ily, choquée, blêmit à ces mots. Dred lui murmura : « S’il te plaît, écoute-le. Il ne parle jamais de lui. »

Lion, toujours l’air perdu, continua : « Je… je… je fêtais mon dixième anniversaire, nous étions dans le salon. » Il s’interrompit quelques longues secondes, souffla, puis reprit : « Mon père et ma mère m’offrirent une épée et un bouclier. C’était probablement à ce moment-là le plus beau cadeau dont j’avais rêvé. » Un léger sourire apparut l’espace d’un instant, puis, regardant tout le monde, il reprit : « Vous savez, mon père, c’était un héros de l’Empire et il était aussi le mien. Il n’avait jamais perdu un seul combat. » Il baissa la tête, cherchant ses mots, avant de regarder à nouveau son auditoire et de continuer : « Mon père se tourna vers moi avec un grand sourire et me dit : « Fils, tu es un homme, il est temps pour toi de suivre mon chemin et de servir Impérea. » » Lion souffla à nouveau, les mots semblaient de plus en plus lourds. Après quelques secondes qui parurent interminables pour Dred et les autres, il reprit : « Moi, je n’étais qu’un gamin, et pour moi, mon père était un dieu, je l’admirais. »

Les yeux de Lion brillaient. Même Heleyia n’avait jamais été aussi attentive. Lion laissa transparaître une certaine hésitation puis ajouta : « Je souriais à mon père et lui dis que je voulais devenir plus fort que lui. À ce moment-là, je voyais une certaine fierté dans ses yeux, mais j’ajouta que servir Impérea ne me suffisait pas. J’aspirais à sauver le monde, un peu comme toi, papa, lui avais-je dit. Mon père prit un air pensif, comme s’il ne comprenait pas vraiment ce que je voulais dire, mais il me répondit calmement que ce n’était pas grave, que jusqu’à là, j’avais été l’une de ses plus grandes fiertés. » Puis plus rien. Lion eut l’air d’avoir du mal à respirer, posant discrètement sa main sur son cœur, trahissant son malaise intérieur. Dred regarda Lion et lui demanda si tout allait bien. Lion adressa un faux sourire approbateur à Dred et reprit : « Puis il m’a dit de le suivre. Heureux, je me levai, fier, le buste droit. Nous étions toujours dans le salon, je m’en souviens, puis il se dirigea vers la porte d’entrée. Je lui ai demandé, avec un grand sourire, où il voulait m’emmener. »

La gorge de Lion se serra. Un instant, ses yeux semblaient se perdre dans ses pensées, puis il fronça les sourcils et reprit : « À ce moment-là, je ne comprenais pas pourquoi ma mère avait les larmes aux yeux. Peut-être la fierté de voir son petit garçon grandir. Depuis ma plus tendre enfance, je savais que je finirais soldat, mais je pensais vraiment que je pourrais être un héros, comme mon père l’était à mes yeux. Alors que nous approchions de la porte, je ressentais une drôle de tension, comme si mon intuition me disait qu’il se tramait quelque chose. » Lion avait de plus en plus de mal à respirer. Ses phrases et ses mots semblaient lourds de sens, mais il continuait malgré la difficulté de raconter ce qu’il avait vécu : « Je me suis retourné vers mon père et dans mes yeux, il a dû lire l’inquiétude qui naissait en moi. J’ai insisté : “Où m’emmènes-tu, papa ?” lui ai-je demandé. Il ouvrit la porte un fois à sa porter, et, sans que je comprenne ce qu’il se passait, il m’a pris violemment par le bras et m’a jeté dehors avec mon épée et mon bouclier. Il m’a dit : « Va sauver le monde et tu reviendras quand tu auras réfléchi. » Puis il a claqué la porte. »

Autour du feu, tout le monde avait les larmes aux yeux. Un lourd silence s’était installé, chacun était suspendu aux lèvres de Lion, attendant les mots. L’happy end de cette situation dramatique. Lion reprit après quelques secondes qui ressemblaient à des minutes, sa voix faible, comme si un fardeau l’empêchait de s’exprimer correctement : « J’ai erré pendant trois longues journées. » Il reprit son souffle comme pour rassembler son courage, puis continua : « Vous savez, dans le Haut Empire, soit vous êtes quelqu’un, soit vous n’êtes rien. Les gens qui ne sont rien, même enfants, ne restent jamais dans le Haut Empire. » L’espace d’un instant, Lion avait l’air plus fort, sa voix plus solide, presque déterminée : « Au début, j’ai pris ça comme un défi. J’étais déterminé à montrer à mon père que j’y arriverais, après tout, j’avais vécu avec un soldat toute ma vie. J’ai commencé à errer dans les rues le premier jour, cherchant quelqu’un à aider. » Son regard s’assombrit à nouveau : « Le deuxième jour, je suis allé voir des connaissances de mon père qui m’ont jeté dehors, m’expliquant qu’elles ne pouvaient rien pour un fils renié par son père. Personne ne me laissa une chance, et la faim commençait à me tirailler. » Lion reprit son souffle, son regard empli de colère et de dégoût. Il continua : « Je suis revenu au bout de trois jours, car je savais que je n’arriverais à rien et je ne voulais pas qu’on me jette en bas. Comme je l’ai dit, soit vous êtes quelqu’un, soit vous n’êtes rien. Trempé et affamé, en pleurant, je suis revenu devant chez moi. J’ai frappé à la porte. Ma mère l’a ouverte, me voyant sur le seuil, elle s’est mise à pleurer et m’a claqué la porte au nez. » Le regard de Lion était à la fois en colère et déçu. Il fut interrompu par Ily, qui, les yeux remplis de larmes, lui fit remarquer qu’il n’était qu’un enfant et que, peu importe les raisons, il n’aurait jamais dû vivre ça. Le regard de Lion s’apaisa pendant quelques secondes. Il remercia Ily d’un regard meurtri, mais touché par ses mots. Puis son regard se remplit à nouveau de colère, et il reprit : « Quelques secondes plus tard, qui me parurent une éternité, mon père ouvrit la porte. En sortant la tête, il demanda : « Qui fait pleurer ma femme ? » Puis il baissa la tête et me vit. Il me dit avec un air dédaigneux : « Tu parles d’un héros, un héros qui fait pleurer sa mère. » J’ai ravalé ma fierté, pris le peu de courage qu’il me restait et j’ai supplié mon père, lui expliquant que j’étais désolé et lui promettant de devenir soldat pour Impérea. Avec toujours le même air dédaigneux, il me laissa rentrer en ajoutant de sa grosse voix, en colère, presque agressive : « Va te laver, tu sens mauvais, et après avoir mangé, file dans ta chambre te reposer, on commence l’entraînement demain. » Il claqua la porte derrière moi. Je lui en ai voulu longtemps pour ça. Depuis ce jour, je me suis juré de venir en aide à quiconque en aurait besoin, et surtout de ne plus jamais verser une larme, surtout pas pour mon père. »

Un silence lourd planait autour du feu. Personne n’osait parler.

Dred brisa le long silence en proposant de méditer sur la chance qu’ils avaient tous. Il ajouta que si tout le monde était d’accord, ils allaient en rester là pour les histoires de ce soir.

Alors que chacun, à sa manière, tentait d’apporter un peu de réconfort à Lion, Dred, par une tape sur l’épaule, lui dit qu’il le trouvait admirable et qu’il était sûr qu’il deviendrait un plus grand héros qu’il ne l’avait jamais imaginé. Ily, quant à elle, ne put s’empêcher de cracher sur le père de Lion, lui disant à quel point cela l’avait touchée et que si elle l’avait eu en face d’elle, elle lui aurait cassé les os pour qu’il s’excuse de son comportement. Heleyia, égale à elle-même, alla voir Lion et lui dit : « Tu sais, je n’ai rien compris, mais j’ai ressenti ta détresse. Alors courage, si tu as besoin de parler, je suis là. Et une dernière chose, je n’ai pas osé t’interrompre, tout le monde avait l’air si triste, mais tu as un truc entre les dents. »

Dred regarda Heleyia fixement, intrigué, et lui demanda si elle n’avait pas écouté pourquoi elle avait versé des larmes.

Heleyia lui répondit que tout le monde pleurait, alors pourquoi pas elle.

Lion éclata de rire, probablement à cause de la tension de son récit et du côté toujours surprenant et incongru d’Heleyia.

Une discussion s’engagea entre Dred et Heleyia, cherchant à comprendre comment ils en étaient arrivés là. Après un long moment, tout le monde décida d’aller se coucher, car la route qui les attendait serait encore longue.

Le lendemain, Dred, Heleyia, Lion et Ily rangèrent leur campement. En plein jour, ils réalisèrent qu’ils avaient dormi non loin d’une plage.

Alors qu’ils s’apprêtaient à partir, juste avant de reprendre la route, ils virent au loin une sorte de pirogue avec un homme qui semblait en colère. Il était grand et avait l’air costaud. Le pire, c’est que, malgré la distance qui les séparait, ils pouvaient l’entendre grogner au loin. Ils se regardèrent et se dirent qu’il valait mieux ne pas traîner dans les parages, car ils devaient avancer et n’avaient pas envie de se retrouver nez à nez avec ce qui ressemblait à un monstre.

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