Épisode 4 : Apprendre à se connaitre
Enfin sortis du pétrin dans lequel Dred et ses amis se trouvaient, ils prirent la route pour aller à Ancerien chercher cet artefact mystérieux qui aurait le pouvoir d’aider Heleyia.
Après presque deux jours de marche à ce marrer, Lion, avec un air perplexe, se tourna vers Dred et Heleyia et dit : « Dred, Heleyia, je vous ai suivis sans même me rendre compte que finalement, je ne vous connais pas tant que ça. » Il prit un ton plus léger et demanda : « Pourriez-vous me parler un peu de vous ? Si nous devons passer du temps ensemble, j’aimerais mieux vous connaître. »
Dred et Heleyia s’esclaffèrent. Dred prit la parole et, tout en rigolant, lui dit : « Ahah, Lion, pardonne-nous notre impolitesse, avec toute cette cohue, nous nous sommes à peine présentés. » D’un air plus sérieux, il ajouta : « Heleyia, à toi l’honneur, prends ton temps, et si tu as besoin, je suis là. »
Lion se demandait pourquoi Dred disait cela à Heleyia, mais écouta avec beaucoup d’attention ce qu’elle avait à dire.
Heleyia commença son discours avec un petit rire : « Hein, hein, moi, c’est Heleyia. » Puis, tout à coup, elle se mit presque à pleurer et dit : « Juste Heleyia, je ne connais pas mon nom de famille. »
Tout en essayant de se reprendre, elle ajouta : « Mes souvenirs sont flous, désolée si cela te paraît incompréhensible, je vais faire de mon mieux. »
Heleyia reprit son souffle et commença cette fois sérieusement : « Mes souvenirs les plus lointains sont ceux d’un homme, je pense que c’était mon père. À ce moment-là, je crois que je n’avais pas de corne. Il m’a emmenée dans un sous-sol, sous une très grande maison. Dans le sous-sol, je crois que nous étions seuls, même si je ne peux plus en être sûre, mais je me souviens de ces lumières vives qui m’éblouissaient. Je me souviens ne pas avoir réussi à me débattre, comme si mon corps était trop lourd. Il y avait aussi cette machine qui émettait un bip incessant après qu’il ait mis quelque chose sur mon doigt. »
Heleyia poussa un soupir, suivi d’un sanglot étouffé. Alors que les larmes commençaient à monter, Dred prit la main d’Heleyia et lui dit : « Si tu veux, tu peux t’arrêter. Ne t’inquiète pas, tu es en sécurité avec moi. »
Les yeux brillants, Heleyia remercia Dred et lui dit qu’elle voulait continuer.
Ce qu’elle fit : « Donc, il y avait ce bip qui finissait par être insupportable, à tel point que parfois, quand je m’endors, j’ai l’impression de l’entendre encore. Il y avait cette cuve bizarre avec une sorte de liquide bleu transparent qui ressemblait à de l’eau. Je… je… je me souviens aussi de la voix de cet homme qui marmonnait des choses incompréhensibles, avec un regard presque sadique. » Heleyia eut un moment de lucidité et dit : « C’est peut-être pour ça que j’aime autant jouer avec le feu, je… je… » Heleyia souffla et prit quelques secondes pour continuer.
Pendant ce temps, Lion lança à Dred un regard à la fois d’effroi et de compassion. Sa main serrée sur son arme, il semblait prêt à se battre, une sensation d’impuissance grandissant en lui, qu’il détestait par-dessus tout.
Heleyia reprit la parole : « Le plus étrange dans tout cela, c’est que, malgré le plaisir malsain qu’il semblait prendre en me faisant toutes ces injections et en branchant tous ces fils à mon corps, j’ai cru apercevoir une larme sur sa joue. Puis, à un moment qui m’a paru une éternité de souffrance — car oui, mon corps ne pouvait pas bouger, mais je ressentais le moindre contact sur ma peau, les aiguilles qui me transperçaient, ses mains lorsqu’il les posait sur moi — même l’eau de cette cuve fut l’une des dernières sensations, elle m’a marquée au point qu’aujourd’hui j’ai encore l’impression de la sentir sur ma peau. C’est à ce moment-là qu’il m’a dit : “Je suis désolé, Heleyia.” »
Heleyia fondit en larmes, pleurant de façon frénétique, tentant de dire quelque chose, mais ses pleurs étaient si intenses que rien ne sortait.
Après quelques instants, ses pleurs, comme une pluie battante, commencèrent à se calmer, et elle réussit à dire : « Ce médaillon rouge autour de mon cou… » tout en haletant, les yeux noyés sous les larmes, elle ajouta : « c’est ma mère qui me l’a donné, elle m’a dit qu’il me protégerait… et là, c’est le trou noir. »
Heleyia repartit de plus belle en sanglots. Dred s’arrêta et prit Heleyia dans ses bras. Lion, malgré son air dur, laissa échapper une petite larme qu’il tenta péniblement de cacher.
Le cœur lourd, Dred essayait de parler au-dessus des pleurs d’Heleyia, lui disant qu’il était désolé, qu’il n’aurait pas dû la laisser parler de tout ça.
Lion prit la main d’Heleyia, ce qui eut l’effet instantané de la calmer. Il lui dit : « Tu sais, Heleyia, ta peine me touche au cœur, elle fait monter en moi une rage. Quelle personne pourrait faire ça à quelqu’un comme toi ? S’en prendre à des gens plus faibles que soi, quelle marque de faiblesse et de manque de jugement ! Sache que si tu veux te venger un jour, je serai à tes côtés. Je suis et resterai toujours du côté de la justice. »
Heleyia, maintenant calmée, regarda Lion droit dans les yeux et lui dit : « Merci. »
Puis, comme prise d’un excès de folie, elle éclata de rire, et tout en gloussant, on pouvait tenter de comprendre ceci : « Ahah, il mourra de mes mains, je le tuerai. »
Choqué, Lion ne pensait pas à cela, et tenta de rectifier ses mots en disant à Heleyia qu’il ferait en sorte qu’il passe le reste de ses jours derrière les barreaux.
Mais rien n’y fit, Heleyia était devenue hermétique et partit dans son monde imaginaire.
Dred dit à Lion : « Merci de l’avoir aidée à s’apaiser. Il ne nous reste plus qu’à attendre qu’elle revienne avec nous. La première fois que je l’ai entendue, j’ai bien cru qu’elle ne s’arrêterait jamais.»
Lion répondit : « Dred, et toi, j’espère que tu n’as rien vécu d’aussi terrible ? »
Dred répondit : “ non, rien de si horrible de mon point de vue.”
Lion regarda Dred et lui dit : « Alors parle-moi un peu de toi. »
Dred, avec un petit sourire en coin, lui dit : « Tu veux la version longue ou la version courte ? »
Lion répondit : « Comme tu veux, mais il me semble que nous ne sommes pas encore arrivés, alors la version longue ne serait pas malvenue. »
Dred, toujours avec un sourire en coin, dit : « Bon d’accord, va pour la version longue. Et tu as raison, nous avons encore un peu de temps devant nous. »
Dred commença : « Moi c’est Dred Guer et voici mon histoire. Quand j’étais enfant, je vivais une vie paisible avec mes deux parents. À mon grand regret, je n’ai jamais connu mes grands-parents, seulement des récits me furent contés.
Je vivais dans la ville de Leica, au sud du grand continent. J’avais une grande chambre avec plein d’animaux sauvages imaginaires peints sur mes murs. Je me revois encore assis, avec ma mère en train de lire des livres fantastiques sur ces énormes animaux, comme venus d’un autre monde.
De temps à autre, elle me parlait de notre monde, de comment la vie était arrivée ici. Mon sujet favori, petit, était celui des mythiques Hudaux, des descendants de divinités venues dans notre monde.
Il y avait les bons et les méchants, ils n’étaient pas là pour les mêmes raisons, et il fallait faire attention me disait t’elle.
Elle adorait me parler du bâton, qui à l’époque était sur la cheminée. Ce bâton aurait appartenu à mon grand-père, qui était quelqu’un de très puissant, doté de pouvoirs presque sans limite.
Je l’écoutais pendant des heures. Même si elle et papa n’avaient pas de pouvoirs, j’étais fasciné par l’idée qu’un jour, peut-être, moi aussi, j’aurais peux-être des pouvoirs. »
Dred hocha la tête, les yeux pleins d’étoiles, un instant pensif, puis reprit : « Ah, la belle époque où tout me paraissait possible.
Je crois me souvenir que mes parents se disputaient à cause d’une chose dont je n’ai pas vraiment gardé de souvenirs. Ce n’est pas clair, une histoire de trio, ou d’enfant, je ne sais plus. Je suis sûr d’une chose : mes parents avaient l’air très préoccupés.
Je me souviens qu’en arrivant à l’adolescence, la situation s’apaisa à l’arrivée de Drya, ma petite sœur. Elle arriva au meilleur moment, comme un cadeau, et au début, elle ressouda les liens entre mes parents.
Puis, peu de temps après, mon père devint de plus en plus amer. Quelque chose semblait beaucoup le préoccuper, mais ma mère tentait de le raisonner.
Je me souviens qu’à ce moment-là, j’ai fait la rencontre de Nyrui. Nous étions dans la même salle d’étude. Notre amitié se construisit rapidement et devint tout aussi vite, très forte. Toujours là l’un pour l’autre, cela nous aida à traverser des moments compliqués.
Un jour, sans prévenir, mon père ne revint plus à la maison. J’ai passé un temps infini à me demander ce qui lui était arrivé. Était-il parti ? Avait-il disparu ? Qu’est-ce qui lui était arrivé ?
Ma mère était effondrée, et même si elle essayait de ne pas le montrer, l’ambiance avait chuté à la maison. J’essayais tant bien que mal de la faire sourire, car ma petite sœur avait, elle aussi, besoin de se construire. »
Dred prit un moment pour souffler. Lion, avec compassion, posa sa main sur l’épaule de Dred et, d’un air compréhensif, lui fit signe qu’il était de tout cœur avec lui.
Dred reprit avec un air triste : « C’est ce jour-là que tout bascula. »
Une petite larme put être aperçue dans ses yeux. Il se reprit et dit : « Deux hommes sont entrés chez nous. Tout s’est passé si vite, mais on pouvait clairement voir une espèce de symbole semblable à celui que tu as sur le bras. Ils portaient de grandes capes noires, de longs chapeaux, et une étoile avec cinq couleurs sur chacune de ses branches : bleu, rouge, jaune, vert, et blanc.
Lion, je te jure, j’ai tout fait pour qu’ils ne touche pas à ma mère et ma sœur.
Je me suis jeté sur le bâton au-dessus de la cheminée, espérant qu’il m’aiderait. Je me souviens, quand je l’ai attrapé, avoir senti une sensation de puissance, j’avais l’impression d’être envahi d’une force divine.
Mais quand j’ai tenté de m’interposer, rien. Comme si tout s’était arrêté. J’ai juste réussi à toucher l’un des deux hommes au visage, apercevant ses yeux marron et un sourire à glacer le sang, je ne l’oublirais jamais.
Après cela, j’ai tenté de ressentir à nouveau quelque chose avec ce bâton, mais rien. Je sens au fond de moi qu’il me servira un jour. En attendant, je le garde avec moi et m’entraîne à me défendre avec.
le temps passait, j’ai commencé à éduquer ma sœur. Par chance, nos parents avaient mis énormément d’argent de côté, probablement pour que nous puissions étudier.
J’ai décidé de mettre, avec son accord, Drya en pension pour son bien-être, et je me suis lancé le défi de retrouver mes parents pour les réunir et former à nouveau une famille.
Sur mon chemin, je n’ai jamais laissé personne dans le besoin, et je me suis fait la promesse d’aider toujours mon prochain.
C’est quelques jours après mon départ que j’ai rencontré Heleyia. Elle était là, comme perdue, ne sachant pas quoi faire dans une petite ruelle. Elle avait l’air terrorisée, Malgré ses cornes, elle avait l’air si… fragile. Je suis allé vers elle en lui demandant si elle allait bien. Elle m’a répondu qu’elle ne savait pas. Je lui ai demandé qui elle était, et elle m’a dit : ( Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que je m’appelle Heleyia.). »
Lion était abasourdi par ce que Dred avait vécu et impressionné par ses réactions.
Dred lui dit : « Et toi, Lion, on en sait assez peu sur toi finalement. Est-ce que tu te sens prêt à nous parler de toi ? »
Dred, Lion, et Heleyia aperçurent un village où passer la nuit, car avec tout ça, le soleil commençait à se coucher.
Lion dit alors : « Je vous raconterai tout ça, mais avant, allons voir s’il est possible de faire un petit somme ici ce soir. »
Dred et Heleyia acceptèrent, et ils se dirigèrent tous les trois vers ce petit hameau.